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Le web expérimental et décentralisé : un peu d'espoir

Cet article a d'abord été publié sur le blog Hackitude. Malheureusement, le site n'était plus actif, car nous manquons de membres pour continuer le projet, nous avons décidé de le fermer pour éviter de consommer des ressources inutilement. Nous avons republié les articles les plus intéressants sur Pikselkraft. Nous en profitons en même temps pour les actualiser et les faire évoluer.

Internet a perdu son esprit de liberté initiale. Désormais quelques entreprises dominent largement nos échanges et collectent nos données. Même sans utiliser leurs services, les fameux GAFAM (Google, Apple, Facebook, Apple et Microsoft) peuvent connaître nos habitudes en ligne. Il y a de nombreux outils en ligne pour limiter les dégâts, mais il faut avouer qu’il sera difficile de faire machine arrière. Est-ce qu’il ne serait pas plus simple de réinventer la roue pour changer le paradigme actuel.

Le problème majeur de cette nouvelle version d’internet reste la centralisation. Désormais une poignée d’entreprises contrôle les services d’internet. Pourtant, il existe encore des services qui ne sont pas centralisés.

Les résistants d'internet : émails, XMPP, fediverse et P2P

Il existe déjà des parties d’internet qui ne sont pas centralisées. La plus utilisée reste les fameux courriers électroniques ou emails, même si Gmail a perturbé cette liberté. Il existe des alternatives libres et il est toujours possible d’avoir son propre nom de domaine pour avoir sa propre boîte email.

La messagerie instantanée possède aussi un équivalent décentralisé, Jabber/XMPP est un protocole qui permet de communiquer facilement entre utilisateurs. Chacun peut héberger un serveur XMPP, ainsi le réseau offre de nombreuses options pour avoir un compte. Il est en fait très proche de l’email dans son fonctionnement et sa liberté, mais c’est un équivalent de Messenger ou WhatsApp.

Les réseaux sociaux suivent le même exemple avec des projets comme Mastodon et le réseau Fediverse. Mastodon est une alternative à Twitter, mais chacun peut installer une instance Mastodon sur son serveur. Ainsi le réseau Mastodon est décentralisé, il est composé d’une multitude de serveurs qui peuvent communiquer entre eux. Et Fediverse ? C’est le protocole qui permet aux réseaux sociaux décentralisés de communiquer entre eux. Par exemple, Diaspora est l’alternative de Facebook. Grâce au protocole Fediverse, Diaspora et Mastodon peuvent communiquer ensemble. De nombreux réseaux sociaux alternatifs utilisent Fediverse pour créer une liberté de communication entre eux. C’est encore proche de l’email. Les clients emails proposent des interfaces et des fonctions différentes, mais ils peuvent tous communiquer entre eux.

On se rend rapidement compte que deux principes anciens sont à l’origine de ces alternatives. L’email et l’auto-hébergement de son serveur. La différence de structure est plus profonde, mais pour l’utilisateur, il s’agit d’une différence de fonctionnalités uniquement. Pour l’auto-hébergement, on peut recommander le projet YunoHost qui offre un outil et des guides accessibles pour apprendre et tester l’auto-hébergement.

Il reste un immanquable : le P2P (pair à pair).  Il n’a pas brillé par sa légalité, mais son potentiel reste le plus prometteur. Car dans le modèle décentralisé P2P, on conserve la logique d’un client et d’un serveur. On multiplie aussi les serveurs qui proposent un même service pour éviter la centralisation, mais le P2P apporte une différence majeure. Dans un réseau P2P chaque utilisateur (machine) est à la fois client et serveur. Ainsi le réseau de par sa structure présente une résilience accrue et rend la censure plus difficile. Ses caractéristiques ont permis la naissance du réseau BitTorrent connu pour le partage de fichiers. On obtient dans ce cas un réseau distribué. Bien que la structure finale soit plus compliquée à mettre en place son utilisation finale pourrait être simplifiée. L’utilisation d’un logiciel permettant de devenir client/serveur facilement est une option plus simple que la mise en place d’un auto-hébergement.

Un internet distribué : le web P2P ou le Dweb

Il s’agit d’expérimentations, car elles remettent en cause la structure d’internet ce qui est différent des initiatives de protection de la vie privée qui limite l'impact de la centralisation. Le résultat de ces initiatives pourrait être bien plus important, mais le temps qu’elles soient prêtes pour le grand public sera forcément plus long.

Beaker Browser

C’est une évolution majeure. Un internet où chacun peut héberger le contenu via sa propre machine. Proche du réseau Bitorrent qui permet à des utilisateurs de partager des fichiers entre eux. C’est une évolution de ce principe qui permet cette fois de partager des pages internet et des applications.

Beaker n’utilise pas le fameux HTTP à la place il développe son propre protocole qui commence par DAT.  Il est possible de visiter les sites internet classique, mais en bonus il est possible de visiter les sites hébergés par les utilisateurs de Beaker. Il permet aussi de partager des fichiers en P2P.

Avec ce navigateur, il est possible de créer sa page internet qui sera partagée via le navigateur directement. Votre site aura une URL commençant par dat://. Il existe une option qui permet de rendre un site dat accessible avec les navigateurs classiques et même de le lier à un nom de domaine pour le rendre plus accessible.

Créer une page internet simple est accessible, mais pour aller plus loin, la configuration est encore trop technique. C’est un projet à suivre et à partager pour l’aider à devenir accessible au plus grand nombre.

Scuttlebutt

Scuttlebutt est un réseau social où la communication entre chaque membre du réseau est faite de pair-à-pair. Les données des utilisateurs sont enregistrées en local (ordinateur ou téléphone). Votre profil, vos photos, vos discussions sont stockées en local et non pas sur un serveur intermédiaire. Votre compte est lié à une clé chiffrée qui stocke toutes les informations de votre compte en local. Il est possible de poster des mises à jour de votre compte sans internet. C’est une base de données en local.

L’intérêt est de partager votre clé avec les utilisateurs qui partagent aussi leurs clés. Ainsi vos données sont partagées et vous pouvez communiquer et partager grâce au P2P. Le site officiel propose un bon guide (en anglais) pour découvrir le réseau. Le défaut de Scuttlebutt est la difficulté de constituer un réseau quand on ne connaît personne. Il existe des zones publiques nommées « pub » qui permettent de faciliter la découverte d’utilisateur, mais ce n’est pas le point fort de ce réseau.

Petit bonus, le réseau peut fonctionner sans internet, il suffit d’être connecté en filaire, Wi-Fi ou Bluetooth.

Retroshare

Retroshare est le couteau suisse du pair à pair. Il crée un réseau chiffré entre vous et les utilisateurs de Retroshare. Pour cela vous devez échanger le certificat de votre réseau avec d’autres utilisateurs. Après l’échange vos réseaux privés deviennent voisins et peuvent communiquer. Retroshare permet de partager des fichiers, d’échanger des messages, d’envoyer des courriels. Il peut aussi servir de forum. Il fonctionne sur tous les supports. Son principal inconvénient, il y a peu d’utilisateurs ; le fonctionnement pour ajouter un « voisin » n’étant pas très intuitif. Mais vous pouvez le tester et aider à développer son utilisation. C’est vraiment un outil à tout faire, basé sur du P2P.

Briar

Briar est un équivalent de WhatsApp, Telegram ou Signal, mais sa structure présente des différences innovantes par rapport aux applications les plus utilisées. Les données sont stockées sur votre machine. Elles ne sont pas stockées sur le serveur d’une entreprise.

Autre particularité, vous devez rencontrer physiquement une personne avant de l’ajouter au moyen d’un code-barres. Il est possible de communiquer uniquement après cette première étape. C’est un fonctionnement proche de Scuttlebutt. Briar peut aussi fonctionner sans internet grâce au Bluetooth. Il souffre donc du même souci, il est plus difficile d’avoir de nombreux amis sur cette application. C’est plutôt un point positif, est-ce réaliste d’avoir autant d’amis que sur Facebook, probablement pas.

Il est aussi possible d’utiliser TOR avec Briar.

Yacy

YaCy est un logiciel libre qui est un moteur de recherche P2P. Il est possible d’utiliser YaCy comme un moteur de recherche classique, mais son utilisation est plus complexe. Car YaCy permet d’indexer internet, c’est-à-dire de faire le travail que fait Google normalement. Chaque utilisateur peut aider l’indexation d’internet en devenant un nœud du réseau P2P. Ainsi la puissance cumulée des utilisateurs permet à YaCy d’indexer de plus en plus de pages et de devenir plus efficace. Il n’y a donc pas de serveur central comme sur les moteurs de recherche classiques. Il y a beaucoup de possibilités pour le configurer, il est conseillé de visiter le site pour avoir plus d’informations.

Le Dweb conclusion

Malheureusement la majorité de ces applications reste trop technique, la technologie P2P est elle-même complexe. Les réseaux P2P ne sont pas encore accessibles au grand public. Si vous êtes développeur, un designer ou un curieux, lancez-vous, testez-les et aider le développement de ces alternatives prometteuses pour un internet décentralisé.

Il est aussi important de surveiller le progrès de ces projets et la vision des acteurs du Dweb. Un internet décentralisé rendra la collecte de données plus difficile, mais il sera toujours possible de collecter des données. C’est un progrès, mais pas encore la solution miracle. Il ne faudra pas reproduire les erreurs du début d’internet et laisser le contrôle de ces technologies à des grandes entreprises pour éviter de créer les nouveaux GAFAM du P2P, voire de conserver les mêmes GAFAM qui feront tout pour contrôler le réseau.

Question pour les lecteurs : On est toujours à la recherche d’information sur la consommation énergétique du P2P par rapport au web centralisé. C’est une donnée à prendre en compte pour le développement sur le long terme de ces alternatives.


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